Patient-psychologue, une relation à 3 temps
Comme mon collègue de « Blog d’un psy », j’ai pu remarquer avec l’expérience des suivis psychologiques 3 moments particuliers dans cette démarche de travail sur soi.
La prise de rendez-vous et la première consultation
Le tout premier, à l’origine de tout, est bien sûr la prise de rendez-vous et la première consultation.
Quand on ne va pas bien, qu’on est perdu, qu’on cherche à se mieux se connaître, se comprendre, il faut pouvoir arriver à l’idée de demander de l’aide. En effet, on a toujours tendance à vouloir gérer soi-même, à attendre que ça passe. Il n’est pas simple de reconnaître qu’on a besoin d’être aidé. On perçoit ça comme un aveu de faiblesse de ne pas arriver à dépasser ce mal-être, à se débrouiller seul. Alors que bien au contraire, c’est une preuve de sagesse et d’humilité de reconnaître qu’il y a des événements plus difficiles que d’autres, des phases de plus grande vulnérabilité. Et que dans ces moments, le mieux à faire pour s’en sortir, c’est de chercher une main tendue, qui est là pour nous rassurer et pour nous aider à trouver la force et les ressources nécessaires pour se « hisser ».
Mais même lorsqu’on se rend compte et qu’on admet que l’on a besoin d’aide, il faut pouvoir la chercher et la trouver. Heureusement l’accessibilité et la rapidité d’internet permettent de faciliter la prise de rendez-vous. En effet, il est facile au cours de la recherche de la bonne personne, dans le choix d’une date, dans la décision d’appeler pour prendre rendez-vous, au moment de se rendre au cabinet de perdre sa motivation ou son envie, de trouver de bonnes raisons de renoncer. Chaque étape entre le besoin d’aide et le premier contact avec le psychologue sont autant de difficultés qui font parfois obstacle à une prise en charge. Internet, support des consultations en ligne, simplifie grandement cette démarche en facilitant voire en supprimant certaines de ces étapes mais cela reste malgré tout un pas à franchir. C’est pourquoi ce moment en lui-même est un instant significatif et représente déjà une partie importante du travail psychologique.
Le cœur du problème
La 2e phase particulière et singulière dans ce travail est plus subtile et tout aussi significative : c’est le moment où l’on touche au cœur du problème, où la personne en vient à prendre conscience, à s’avouer, et à dire la vérité de son mal-être, de sa problématique.
Il n’est pas rare que ce moment mette du temps à arriver. On a beau vouloir travailler sur soi, s’en sortir, par le fait même de rechercher de l’aide on reconnaît et on fait la demande d’être guidé et accompagné pour pouvoir cheminer jusqu’à comprendre ce qui pose problème. C’est bien que cette démarche nécessite un temps de maturation et de travail avec l’aide du psychologue. En effet, on a beau intimement ou inconsciemment savoir ou pressentir « sa » vérité, il n’est pas simple de faire ce chemin et surtout de faire ressortir quelque chose que l’on avait enfoui, ignoré, masqué au point que cela devienne problématique et impacte notre fonctionnement psychologique.
Souvent, on met cela à distance et on évite inconsciemment ou non ce moment parce qu’on pressent l’importance de cet instant. On a peur de ce que cela va produire en nous (larmes ou colère). On a l’impression qu’une brèche va s’ouvrir dans ce semblant de carapace et par laquelle va s’engouffrer le mal-être. On craint que l’effort soit insurmontable.
Il est clair que cette phase est un moment délicat qui nécessite un travail et effort psychologique et qui réveillent des émotions. C’est ce qui fait son importance. Cependant, de par son aspect charnière, ce moment est libérateur et permet une grande avancée dans le travail psychologique. Contrairement à la vulnérabilité dans laquelle on pense se trouver à ce moment-là, à long terme, d’avoir franchis cette étape permet d’avancer et ce de manière plus saine, plus fonctionnelle, et plus « solide ». C’est en sachant ouvrir cette carapace, en se connectant à ce qu’on est et ce qu’on ressent profondément, qu’on apprend à mieux se connaître, à être plus en accord avec soi-même, et ainsi donc à être plus fort.
Mais face à cela, face à cet enjeu, on peut prendre peur, reculer, ne pas vouloir affronter, ne pas s’en sentir capable. Et c’est donc un moment charnière a un double niveau. Un certain nombre de personnes, consciemment ou non, décide ou laisse le suivi s’arrêter juste avant ce moment-là, sentant qu’ils ne vont plus pouvoir « échapper » longtemps à leur vérité.
Mais comme je le disais dans mon article précédent, parfois la peur que suscite un événement est simplement révélatrice de son importance, que l’on pressent.
Le départ
Enfin, la dernière phase particulière dans le travail psychologique mais aussi dans la relation qui s’est nouée est celle du départ, de l’envol, de la séparation.
Bien souvent, certains patients restent plus longtemps qu’il pourrait sembler nécessaire car ils ressentent le besoin, après le travail accompli ensemble, de se préparer (et parfois de préparer également le psychologue !) à partir, à se débrouiller sans ce soutien régulier, à continuer sans cette sécurité.
Dans le temps, se sont créées des habitudes et surtout une relation. Évidemment cette relation a quelque chose d’unique et de particulier. Mais comme toute relation qui s’est nouée dans le temps, il n’est pas simple de la dénouer. On ne parlera pas d’affection mais d’un attachement particulier qui s’est créé afin de pouvoir travailler et avancer ensemble et se laisser guider.
Et il n’est pas simple, d’un côté comme de l’autre, de se préparer à ce moment sans une certaine émotion. Mais c’est l’essence même de cette relation de ne durer que le temps de ce besoin de soutien et d’aide. Et heureusement pour les patients car c’est le principe même de notre métier d’accueillir la souffrance de l’autre, de la comprendre, de l’apaiser et de leur apprendre à trouver en eux les solutions, les ressources nécessaires pour arriver à « faire sans nous », d’autant plus s’ils savent que la porte physique ou virtuelle leur reste ouverte si besoin est…